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Le jardin de la ferme, en terrasses, où grandissent des arbres séculaires, pins maritimes, oliviers et autres plantes méditerranéennes.
© Simon Watson
« Tu sais quoi ? Je rentre. » Quand Giampaolo Sgura s’est entendu prononcer ces mots, il vivait à Miami, dans une très belle villa face à la mer – avec plage, palmiers et bougainvilliers certes, mais il lui manquait le reste. Et le reste pour ce photographe de mode et son compagnon, le styliste Miguel Arnau, cela voulait dire la mer oui, mais la Méditerranée, des arbres oui, mais des oliviers, une maison oui, mais chargée d’au moins cinq siècles d’histoire. C’est dans cette histoire, faite d'amour pour la terre et ses fruits que, depuis de nombreuses générations, s’ancre la vie des membres de la famille Sgura, producteurs d’huile d’olive, originaire de Fasano. « Tu sais quoi ? Je rentre à la maison, je rentre dans les Pouilles. » Et là-bas, maison signifie masseria. En l’occurrence la splendide Masseria Garzia, construite au XVIe siècle, sous domination espagnole, à quelques kilomètres d’Ostuni. Plus de 1 300 mètres carrés de suites, salons, cuisines – à l’intérieur comme à l’extérieur – un immense jardin, une cour, une piscine et un nombre infini d’hectares, entre oliveraies et pâturages.
Autour de l'escalier menant à l’étage noble, la végétation est typique du sud de l'Italie.
© Simon Watson
Et dire que de ce monde, de ce silence, de cette nature, Giampaolo avait voulu s’échapper, « tout habillé de Versace, direction Milan. Et maintenant nous sommes là », s’amuse Miguel. Installé dans le nord de l’Italie pour étudier l’architecture, Giampaolo rêve de mode. À l’« école de la simplicité » d’Aldo Rossi et de Giorgio Grassi, il mêle d’autres influences : Jean Nouvel, Peter Handke, Wim Wenders, et tous les numéros de Vogue et Uomo Vogue. En passant de l’école polytechnique à une école berlinoise plus expérimentale, l’appareil photo devient l’un de ses outils favoris. « À mon retour à Milan, j’avais un petit portfolio. Des amis de Glamour le voient : premières collaborations, essais avec des modèles, quelques shootings. Et puis l’impensable se produit : Vogue m’appelle, et tout change », se souvient Giampaolo Sgura. À commencer par son adresse : New York. En homme d’image, il choisit un appartement au 23 Wall Street, le légendaire siège de JP. Morgan, inauguré en 1914 et sujet en 1915 d’une des plus célèbres photographies de Paul Strand, emblématique du début du modernisme américain.
Dans le salon outdoor, face à l’immense oliveraie qui entoure toute la propriété, la pergola a été réalisée avec les pousses des oliviers que l’on trouve à la base des troncs, entrelacées par un artisan des Pouilles.
© Simon Watson
Le rythme de travail est intense et les saisons n’existent plus : les hivers, il les passe à Cuba ou en Floride pour photographier la mode que le commun des mortels porte en été. Mais après avoir déménagé stratégiquement à Miami, Giampaolo et Miguel se retrouvent, côte à côte, et se disent : « peut-être pas ». Une fois réalisé le rêve américain, s’agit-il de lui tourner le dos ? Retour au pays. La recherche est rapide. « Nous avons vu une propriété, et en repartant, nous nous sommes retrouvés devant ce qui devint en un coup d’œil la maison. Le premier étage était déjà habitable, nous nous sommes installés et avons vendu l’appartement de New York. À peine le temps de charger les meubles dans un conteneur que le Covid-19 s’est abattu sur le monde », résument à l’unisson Giampaolo et Miguel.
La piscine a été créée avec des dalles anciennes en «chianca», le calcaire local. Le fauteuil est signé Antonio Citterio (Flexform).
© Simon Watson
Plus de voyage, pas de travail : restait donc à se concentrer sur ce nouveau projet de vie. « Les architectes de Flore & Venezia nous ont aidés à diviser l’espace, tandis que Miguel et moi nous sommes réservé le plaisir de meubler chaque pièce », poursuit Giampaolo. Ensemble, ils ont choisi des matériaux originaux et de récupération : du tuf à la chianca des Pouilles, pierre calcaire utilisée pour les sols depuis l’Antiquité, en passant par les riggiole, carreaux de faïence typiques du sud de l’Italie. Et, comme par magie, la masseria s’est révélée : les entrepôts d’outils et de graines sont devenus des chambres, les écuries des salles de bains, la porcherie une piscine et dans la chaleur de l’été, hôtes et invités s’abritent, tranquilles, au creux des niches voûtées.
Dans le salon, un canapé et des fauteuils d’Antonio Citterio (Flexform). La table basse est une création de Giampaolo Sgura tandis que les vases jaunes proviennent d’un marché d’Ostuni.
© Simon Watson
Pour ne pas se disputer Giampaolo et Miguel se sont concentrés sur des espaces différents. « Miguel s’est occupé de la chambre verte, où le couvre-lit rose était celui de ma grand-mère Angela. Je suis occupé de la salle à manger, et j’ai imaginé la chambre de l'église », où un confessionnal construit sur mesure relie la chambre à coucher à la salle de bains. Libre association du sacré et du profane. C’est à cette même liberté que l’on doit la richesse des meubles et objets qui occupent la masseria. Beaucoup proviennent de marchés aux puces, des lits du début du XXe siècle, à la collection de tamis anciens en passant par des madones, des bénitiers, des fauteuils vintage.
Dans la salle à manger, la table et les chaises sont de Piet Hein Eek. Au mur, une œuvre de François Malingrey.
© Simon Watson
D’autres sont des souvenirs de New York : le néon It Was All A Dream, bien sûr, mais aussi la collection de photographies, signées Inez & Vinnodh, Horst P. Horst, Maripol, Helmut Newton, et Bruce Weber. D’autres encore sont des créations de designers, des tables de Piet Hein Eek aux fauteuils d’Antonio Citterio pour Flexform. Quand vient le moment de sortir, Achille et Ulysse, les teckels de Giampaolo et Miguel, se retrouvent dans le jardin au milieu des massifs de lavande, des bougainvilliers, des pins centenaires et des oliviers.
Dans la cuisine, des éléments conçus sur mesure alternent avec des meubles traditionnels trouvés sur les marchés. L’évier en pierre est d’origine.
© Simon Watson
L’espace, agrémenté d’une cuisine d’été et de nombreuses tables comme dans un restaurant, invite à savourer les moments ensemble, avec les amis ou la famille Sgura, qui vit à quelques kilomètres de là. Ulysse et Achille ont été rejoints par Eco, Olivetta, Telma, Blanca, Bimba et Bea, six chiens errants désormais adoptés par le couple. Un petit tour à vélo et les maîtres de maison sont à la mer, où les chiens courent sur la plage, où les vaguelettes dansent avec le coucher de soleil naissant. « Tu sais quoi ?, soupire d’aise le bienheureux photographe de mode. Je suis content d’être rentré. »
Dans la chambre verte, le lit est drapé d’un couvre-lit rose antique qui appartenait à la grand-mère de Giampaolo.
© Simon Watson
La salle de bains a été créée dans l’ancienne étable. À l’origine, l’évier était un abreuvoir destiné aux animaux.
© Simon Watson
Miguel Arnau et Giampaolo Sgura posent avec leurs teckels, Achille et Ulisse. Au mur, une collection de photographies signées, entre autres, par Helmut Newton, Horst P. Horst, Bruce Weber, Maripol et Inez & Vinnodh.
© Simon Watson